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Texte et illustration de Juliane Choquette-Lelarge, collaboratrice spéciale
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La grande différence entre la culture startup au Québec et en Allemagne? « En Allemagne, les gens ont peur des échecs. Ici, les échecs, c’est vu comme une occasion de mieux rebondir ».
L’œil de Rosanna pétille lorsqu’elle me raconte cette recherche qu’elle a menée sur le monde startup durant son premier semestre à l’étranger, à Trois-Rivières. Originaire d’Augsbourg en Allemagne, c’est une professeure québécoise qui lui fait découvrir le Québec au cours de son baccalauréat en Gestion Internationale. Quelques mois à Trois-Rivières, et c’est le coup de foudre – au propre comme au figuré. Une nouvelle passion pour le Québec (et pour un certain Trifluvien), et la décision est prise: la suite, ce sera ici.
En plus de son grand amour pour la musique – chorale, flûte et guitare au menu – et pour les ateliers de conversations en allemand qu’elle animait à l’UQAM pendant deux ans, Rosanna est toute nouvellement inscrite au doctorat en administration et passionnée de la recherche. Ses sujets de prédilection? Les technologies émergentes (notamment blockchain), les cultures, le monde de l’édition, la gestion des connaissances: dans le cadre de sa thèse, elle veut comprendre comment se profilent les pratiques managériales dans le secteur de l’édition au Québec et en Allemagne face à la transformation numérique.
C’est cette passion pour la recherche qui a amené Rosanna à entreprendre cet été un mandat de recherche pour le Mouvement. « Je connaissais déjà un peu le monde de l’entrepreneuriat, je l’avais déjà étudié dans le cadre de mon bac. Je me suis dis que ça serait intéressant!». Grâce au financement du programme MITACS, elle a l’opportunité de se lancer dans un stage de quatre mois, à partir de chez elle, à Trois-Rivières.
Son mandat: explorer les structures de l’accompagnement startup au Québec. Comment fonctionnent-elles? Quelles sont leurs missions? Leur impact?
La littérature sur le sujet est dense, les études sont éparses et les classifications existantes sont encore floues. Tout un défi qui emballe la nouvelle chercheuse qui se retrouve ainsi avec un programme de recherche bien chargé: interroger les acteurs de l’accompagnement, et comprendre exactement comment s’articule leur rôle dans l’écosystème startup québécois.
Rapidement, l’angle se précise. L’étude cible cinq régions dynamiques: Montérégie, Mauricie, Estrie, Outaouais et la région de la Capitale-Nationale. Pourquoi ces cinq régions? « En fait, des études antérieures sur le terrain ont permis à l’équipe de recherche de constater que ce sont des régions où les acteurs de l’accompagnement sont déjà ancrés dans un réseau startup, y jouent un rôle clé ou y sont intéressés ».
Les acteurs de l’accompagnement interrogés ont été amenés à s’exprimer sur deux plans: d’abord, sur leur culture organisationnelle et leurs pratiques d’accompagnement, ensuite, par rapport à leur inscription dans l’écosystème régional. Au total, ce sont douze acteurs de l’accompagnement qui ont accepté de participer à l’étude – « avec un niveau d’enthousiasme surprenant! », précise Rosanna.
Et qu’est-ce qui ressort de cette étude?
« Beaucoup de choses assez intéressantes ». L’un des premiers constats que relève Rosanna de son étude, c’est la volonté manifeste des acteurs de l’accompagnement de contribuer à la création d’un écosystème collaboratif et performant. « Ils sont particulièrement attachés à leur inscription dans leur région; ils sont fiers de leur région et veulent contribuer à son développement économique. » S’il existe un souhait tangible de développer des réseaux avec d’autres régions ou à l’international, les acteurs de l’accompagnement interrogés veulent néanmoins bâtir un écosystème locale vivant et dynamique avant de s’étendre. Une évidence: le local a le vent dans les voiles.
Un autre constat phare de l’étude concerne la manière dont se déploie l’accompagnement dans ces régions. Une approche qu’on pourrait qualifier de « à la carte ». « Les acteurs de l’accompagnement sont fiers de proposer une offre personnalisée, adaptée aux réalités des startups accompagnées » explique Rosanna. « Beaucoup relatent y aller au feeling, en fonction des startups qui viennent à eux. Les contacts sont généralement assez informels et priorisés en fonction de la proximité géographique ».
Selon Rosanna, cette approche peut parfois constituer un point de tension entre les acteurs de l’accompagnement, puisque beaucoup d’entre eux se retrouvent à proposer une offre similaire. « L’offre à la carte est perçue comme un avantage et une force, mais elle peut en fait constituer un défi pour les acteurs de l’accompagnement puisqu’ils doivent assurer l’accès à une variété de services ». La spécialisation ou les projets de collaboration pourraient permettre aux acteurs de répondre encore mieux aux besoins pointus et spécifiques des startups.
« De manière générale, ce qui ressort c’est une certaine confusion vis-à-vis de la mission des acteurs de l’accompagnement. Pour beaucoup d’entre eux, la distinction n’est pas toujours claire entre l’accompagnement de startups et l’accompagnement de petites entreprises. » Un constat s’impose: la compréhension que les acteurs ont du monde startup est très variable, ce qui pourrait freiner le développement d’un écosystème startup québécois. « Et pour régler ça », résume Rosanna, « il faut qu’il y ait un dialogue commun ». Ceci confirme un des constats principaux du Survol de l’écosystème startup: « La compréhension de ce qu’est une startup et de ses particularités n’est pas uniforme partout au Québec. »
La table est mise pour l’étude des particularités des réseaux startup des différentes régions. Et pour Rosanna, qui entame un deuxième mandat de recherche pour le Mouvement dans le cadre duquel elle souhaite étudier les différentes formes de collaboration entre les acteurs de l’accompagnement. « J’ai hâte de pouvoir continuer à creuser ce sujet! », qu’elle me dit à la fin de l’entrevue, l’oeil toujours aussi pétillant. « Je sens qu’il y a encore beaucoup à découvrir! ».