Vivre ensemble, c’est un défi de toutes sociétés, de toutes époques partout sur la planète. Dans cet épisode consacré à l’innovation et l’inclusion sociale, nous recevons deux chercheurs qui ont des vécus forts différents et qui ont des pratiques définitivement ancrées dans l’action, sur le terrain. Au moment où les flots migratoires sont générés par les guerres, les famines et bientôt les crises climatiques, alors que les innovations technologiques et les réseaux sociaux permettent à toute l’humanité de communiquer, les tensions et les risques d’éclatements sont bien réels si l’on ne trouve pas des manières de gérer la peur, la haine ou simplement l’ignorance.
Dans ce cinquième opus de ce nouveau podcast québécois, Lac-à-l’Épaule présente une fascinante discussion entre Jimmy Paquet-Cormier et Vivek Ventashek.
Planificateur urbain, promoteur d’innovation ouverte et de laboratoires vivants, Jimmy Paquet Cormier s’applique au sein du LLIO situé à Rivière-du-Loup à accompagner les organisations dans l’adoption de pratiques innovantes qui favorisent une autonomisation et une innovation efficace et pérenne en faisant appel à toutes les parties prenantes. De son côté, Vivek Venkatesh, professeur à l’Université Concordia et co-titulaire de la chaire de l’UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent, utilise l’art et la littératie numériques à travers le projet SOMEONE pour favoriser l’inclusion sociale des franges de population qui sont trop souvent exclues des débats publics.
Construire un monde meilleur grâce à la dystopie et les réseaux sociaux
La vie de Vivek Venkatesh a été bouleversée quand il a perdu un proche dans un attentat terroriste. Ayant goûté la haine à l’état pur, plutôt que de jurer vengeance, il s’est donné pour mission d’agir via les réseaux sociaux, pour bâtir des dialogues entre des communautés de façon innovante et surtout très efficace. L’essence du projet SOMEONE est de créer des plateformes pour promouvoir le dialogue et briser la polarisation, grâce à l’encadrement et la promotion du pluralisme. Un défi auquel le projet SOMEONE dû faire face fut la difficulté à développer des modèles de cadres neutres, qui ne sont ni polarisants, ni généralisant, qui promeuvent à la fois l’écoute et la considération des populations minoritaires, en employant le pluralisme des conditions sociopolitiques existantes.
Paysage de l’espoir est une autre initiative, qui s’adresse spécifiquement aux jeunes de Montréal et de Chicoutimi, issus de communautés minoritaires. Le but de cette initiative innovante est de proposer des plateformes permettant aux individus d’exprimer leur propre voix et leur résilience quant à la place qui leur est accordée. Les jeunes nourrissent la plateforme d’extraits audios, vidéos et d’hyperliens que les individus capturent durant les ateliers participatifs. Bien qu’elle se revête d’une fonctionnalité sociale, l’application décourage les partages, les mentions «j’aime» et les commentaires, en ne laissant pas la possibilité aux usagers d’accomplir ces actions. Ce faisant, les ateliers enseignent aux jeunes comment le narratif ne leur appartient plus une fois leurs pensées exprimées via les applications sociales couramment utilisées. Le but de l’application Paysage de l’espoir est notamment de faire un fidèle portrait des émotions, par exemple la résilience ou l’espoir, en donnant un maximum de contexte à l’expression et au moment de créativité, dans un but de susciter des émotions ou d’évoquer de la passion chez le spectateur, en plus de faire la critique des médias sociaux en sensibilisant les jeunes aux dangers inconscients reliés à leur utilisation.
Durant la conversation qui se déroule durant cet épisode du balado, Venkatesh affirme que si l’on se permet de reconnaître cette tension existante entre liberté et égalité, et que l’on peut contextualiser notre prise de position idéologique, ce qui revient en un sens à accepter l’existence d’une hiérarchie sociétaire, les normes que l’on pourrait dégager de cette hiérarchie de pouvoir nous permettraient l’établissement de constats critiques sur le système actuel et finalement nous aider à marcher vers une utopie égalitaire. Venkatesh reconnaît que cet aspect de consensus commun exclura nécessairement des perspectives et c’est entre autres ce qui intéresse le professeur. Il nous invite à nous interroger à propos de la possibilité, dans un moment accélérations comme le présent, à développer un protocole pour reconnaître ces exclusions et éventuellement y remédier.
Construire un monde meilleur grâce à l’utopie et les laboratoires vivants.
Avec la venue de la covid-19, on assiste sans surprise à un exode inversé. Les masses fuient les villes et les régions et vivent une crise de logement! Jimmy Paquet-Cormier de LLIO souligne qu’il y a des opportunités incroyables en région et que les entreprises innovantes reçoivent plus de support et font face à moins de compétitivité sur le marché de l’entrepreneuriat novateur. Il ajoute que les individus localisés en région sont très généreux de leur temps et sont impliqués dans des projets innovants ou sociaux qui les interpellent. Paquet-Cormier ajoute qu’en termes de projet innovant, on gagne à lier la créativité aux projets et à utiliser nos émotions afin d’alimenter des collaborations et partenariats, tout en humanisant les structures de nos projets. Mais afin d’aller plus loin, comment promouvoir des postures qui permettent d’avoir des opinions diverses ou idéologiquement opposées? Comment amener les entrepreneurs et innovateurs à devenir mentalement flexibles plutôt que rigides, lorsque percutés par les positions de l’autre? Une approche du living lab, ou laboratoire vivant permet une plus grande collaboration et de la flexibilité en plaçant plus de parties prenantes autour de la table. Cela permet de mieux comprendre les impacts des et les enjeux des problématiques et propositions, de façon plus holistique, durant ce processus de collaboration. Ainsi, il se dégage des solutions plus efficaces, susceptibles de répondre aux besoins présents et futurs d’une organisation, voire d’une société. Paquet-Cormier souligne qu’il est impératif de reconnaître la période de transition dans laquelle nous sommes plongés et de graduellement collaborer vers un objectif commun, plutôt que de commenter le travail des autres. Ce sentiment d’être «contre» les autres méthodologies ou structures divergentes, au profit de la critique constructive, la collaboration et de la mise en commun de notre vision. Appliquer cela à la taille d’un Québec donnera une société plus cohésive, collaborative et possiblement plus épanouie!