Budget du Québec 2025-2026: miser sur l’innovation pour résister aux crises
Publié le 26 mars 2025
Alors que le Québec — et le Canada — font face à une guerre commerciale sans précédent avec les États-Unis, le gouvernement du Québec mise sur l’innovation et une imposante réforme fiscale pour soutenir les entreprises d’ici avec son budget 2025-2026, intitulé Pour un Québec fort.
En filigrane de cette crise induite par les actions de nos voisins du Sud, ces mesures, visant à accroître le succès des entreprises québécoises, ont aussi pour objectif d’augmenter les revenus de l’État et, in fine, d’atténuer le déficit important de cet exercice budgétaire — symptôme d’une autre crise : celle des finances publiques.
Dans ce résumé d’un budget fortement orienté vers l’économie et l’innovation, voici quatre éléments phares qui auront une incidence directe sur l’entrepreneuriat innovant au Québec.
À fond dans l’aide directe et le soutien aux entreprises affectées par les tarifs
La principale mesure qui sous-tend l’investissement de 5,4 milliards de dollars pour l’économie québécoise concerne l’aide transitoire offerte sous forme de prêts, représentant un apport de liquidités considérable. Le budget prévoit aussi une harmonisation avec le fédéral des amortissements pour les acquisitions améliorant la productivité des entreprises.
Autre action majeure : une enveloppe de 900 millions de dollars d’aide directe, versée via le Fonds du développement économique, pour favoriser l’automatisation, la robotisation, la transformation numérique et l’intégration de l’intelligence artificielle dans les entreprises locales.
Par ailleurs, on observe une volonté affirmée de diversifier les marchés d’exportation grâce à plusieurs mesures clés, notamment un soutien accru aux ORPEX (organismes régionaux de promotion des exportations), le déploiement de la nouvelle Politique internationale du Québec, et une réforme de la gouvernance de LOJIQ pour améliorer l’offre de mobilité destinée aux jeunes.
Ces investissements s’ajoutent aux actions d’Investissement Québec et de la CDPQ visant à stimuler la productivité ou à opérer des pivots stratégiques vers de nouveaux marchés.
En matière d’entrepreneuriat, certains détails restent à préciser concernant la mise en œuvre du Plan PME 2025-2028, qui bénéficiera d’une enveloppe réduite de 44 millions sur trois ans — une nette diminution par rapport au dernier PQE. Il faudra aussi suivre de près le déploiement du nouveau fonds d’investissement de 200 millions de dollars, qui viendra remplacer Impulsion PME.
Une imposante réforme pour l’aide fiscale à l’innovation
Au-delà du soutien aux entreprises affectées par la guerre commerciale, la mesure la plus marquante sur le plan de l’innovation est l’abolition de huit crédits d’impôt liés à la recherche, au développement et à l’innovation, au profit d’un nouveau crédit d’impôt unifié : le Crédit d’impôt pour la recherche, l’innovation et la commercialisation (CRIC). Cette réforme s’inspire des recommandations du Conseil de l’innovation du Québec.
Cette réforme envoie un message clair aux entreprises que le gouvernement veut simplifier le processus d’accès aux crédits d’impôt en plus d’en élargir sa portée pour les entreprises qui sont en phase de pré-commercialisation. Le CRIC est également la deuxième mesure d’un régime d’aide fiscale simplifié qui rejoint la déduction incitative pour la commercialisation des innovations (DICI), déjà en vigueur depuis 2021, ayant pour objectif d’encourager la rétention et la valorisation d’actifs de PI.
Bien que cette réforme doive passer l’épreuve de l’adoption par les entreprises, le signal est positif. Elle vise à faire de la R-D un véritable levier pour rattraper le retard d’innovation du Québec par rapport aux autres provinces canadiennes.
Outre le CRIC, un pivot s’amène pour le crédit d’impôt pour le développement des affaires électroniques (CDAE) qui devient le CDAEIA afin d’encourager les activités de TI à plus forte valeur ajoutée et de concentrer l’aide fiscale dans le domaine informatique vers l’intelligence artificielle, et en favoriser une adoption plus large par les entreprises québécoises.
Certains secteurs stratégiques bénéficient d’un soutien supplémentaire
Le budget 2025-2026 contient également des mesures ciblées pour des secteurs stratégiques ou pour soutenir des organisations clés
L’appui à la zone d’innovation Technum Québec, bien que conditionnel à des investissements fédéraux et privés, marque la volonté de positionner la province à l’avant-garde du numérique dans les secteurs clés de la microélectronique et de ses applications en aérospatiale et en manufacturier avancé. Au même titre, le renouvellement de la Stratégie québécoise des sciences de la vie et le soutien à la recherche collaborative dans des secteurs comme l’intelligence artificielle, via un soutien financier au MILA, la microélectronique ou la filière batterie traduisent une vision claire : renforcer les liens entre recherche, innovation et retombées économiques concrètes. Notons aussi un soutien financier additionnel à Finance Montréal, notamment pour augmenter la visibilité d’actions pour la finance durable.
Plusieurs mesures visent à amener davantage d’automatisation au sein des propres processus du gouvernement pour améliorer l’efficacité des services publics, mais on peut se questionner si la fonction publique aura recours à de l’expertise externe après les récentes déboires de SAAQclic.
Enfin, le budget accorde aussi une attention particulière aux régions, à travers des investissements en connectivité, en économie sociale, en développement économique local, en foresterie, en tourisme et en agriculture durable. Une enveloppe de 225 millions de dollars sera également consacrée à la mise en œuvre d’une nouvelle Politique bioalimentaire visant à accroître la productivité du secteur et à stimuler l’innovation.
Une réallocation dans certaines missions du MEIE
Du côté du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE), le budget 2025-2026 reflète une réduction sommaire de la fonction publique, à l’instar de plusieurs autres ministères.
Mais c’est surtout la diminution des transferts financiers aux OBNL qui retient l’attention : ces transferts passent de 399 millions à 257 millions de dollars. Le message est sans équivoque pour les OBNL en développement économique : il est plus que temps de revoir leur modèle d’affaires et de diversifier leurs sources de revenus.
Autres réductions notables dans différentes dépenses de programme :
- Développement économique régional et entrepreneuriat : passant de 256 M$ en 2023-2024 à 153 M$ en 2025-2026.
- Soutien aux organismes et aux projets : de 202 M$ à 155,8 M$ entre 2024-2025 et 2025-2026
- Soutien à la relève et à la culture scientifique: 25,9 M$ à 22,4 M$
- Soutien pour les infrastructures de recherche en innovation : 11,7 M$ à 10,9 M$
En conclusion
Dans son budget 2025-2026, le gouvernement du Québec affiche clairement ses priorités économiques, malgré des moyens financiers somme toute limités: propulser l’innovation, soutenir l’entrepreneuriat et renforcer le développement régional. Plusieurs mesures phares visent à créer un environnement plus dynamique pour les entreprises, particulièrement celles œuvrant dans les secteurs stratégiques et les technologies de pointe.
Nous resterons à l’affût de la mise en œuvre des mesures prévues dans ce budget ambitieux en matière d’économie et de réforme fiscale, d’autant plus que la plupart des montants annoncés sont prévus dans l’année (électorale) 2026-2027.