10 choses à retenir du IPFest sur l’ADN de votre startup: la propriété intellectuelle
Publié le 22 juillet 2025
La propriété intellectuelle (PI) est souvent perçue comme un domaine complexe, réservé aux juristes ou aux grandes entreprises. Pourtant, elle peut faire la différence entre une startup qui survit et une qui s’effondre face à la concurrence.
Lors du IPFest, tenu au cœur du Startupfest, et animé par Susan Tees (New Ventures BC) et Alexis Conrad (Communitech), des entrepreneur.e.s, des investisseur.e.s et des expert.e.s ont levé le voile sur les vrais enjeux de la PI. Pas de jargon, pas de théorie : des histoires réelles, parfois brutales, mais toujours riches d’enseignements.
Prêt·e à éviter les erreurs les plus coûteuses ? Voici ce qu’on retient de cette demi-journée de contenu sur la propriété intellectuelle, ainsi que de la conversation avec Frank Baylis.
Découvrez comment la PI peut vous aider à bâtir une entreprise forte et à haute valeur!
1. La propriété intellectuelle (PI) est un pilier de valeur et de pouvoir sur sa concurrence
Une bonne stratégie de PI, ce n’est pas un brevet solitaire encadré sur un mur : c’est une famille de brevets et de protections qui forment un rempart contre les concurrents.
Un exemple marquant : la vente de Baylis Medical pour 1,75 milliard $ US à Boston Scientific. Tout a reposé sur un seul brevet stratégique qui a permis à l’entreprise d’acquérir un concurrent qui l’enfreignait, puis de prendre le contrôle de toute sa PI.
Sans PI solide, une startup innovante reste vulnérable : une idée peut être copiée, commercialisée plus vite ou à plus grande échelle par un joueur plus riche. La PI transforme une innovation fragile en un actif monnayable.
2. Les pièges qui coûtent cher à retenir
Les erreurs en PI sont courantes et parfois très douloureuses pour l’équipe de fondation et les finances de l’entreprise.
Quelques pièges que nous avons retenus lors des différentes discussions :
- Croire qu’enregistrer sa société protège sa marque.
- S’attacher trop vite à un nom qui s’avère impossible à défendre (bonjour le rebranding à six chiffres).
- Parler publiquement d’une invention avant de la breveter, ce qui peut invalider toute protection, surtout lors de collaborations universitaires.
- Révéler trop rapidement ce sur quoi nous travaillons, surtout pour les startups très précoces.
La citation clé de Myriam Corbeil (Hôtel UNIQ)
« [It felt like] fixing something that should have been done right from the beginning. »
Après six ans à bâtir son entreprise autour de « Hôtel UNIQ », elle a découvert que ni « Hôtel » (générique et descriptif) ni « Unique » (une variation courante et déjà utilisée dans l’hôtellerie) n’étaient facilement protégeables en tant que marques de commerce. Un manque de protection qui a eu des conséquences importantes sur sa croissance, et sa valeur à long terme.
3. Bâtir une vraie stratégie PI , en protégeant intelligemment
Protéger partout dans le monde ? Inutile et une dépense importante quand on démarre. Cibler les marchés stratégiques (États-Unis, Japon, Chine, grands pays européens) peut s’avérer plus efficace.
Il est aussi essentiel de séparer inventeur et propriétaire : seules les personnes ayant contribué aux revendications d’un brevet doivent être nommées inventeurs ; l’entreprise en détient les droits si c’est bien stipulé dans les contrats.
La PI ne remplace pas un modèle d’affaires solide basé sur des ventes et un alignement avec les besoins des clients, mais elle renforce la crédibilité et la valorisation lors de levées de fonds ou d’acquisitions.
Conseil clé : consulter tôt un.e professionnel·le de la PI pour bâtir une stratégie adaptée. Des services comme momentumPI, financés par le programme ÉleverlaPI, rendent cette étape accessible, même pour les jeunes entreprises.
4. La PI peut aider à résister aux coups durs (et aux géants)
Innover dans des secteurs dominés, comme l’immobilier, peut attirer l’attention… et des procès. La clé dans cette situation vient à déléguer aux experts le rôle de défendre la cause devant les tribunaux afin de laisser aux entrepreneur.e.s le focus sur le produit et les clients.
La résilience, et un budget réaliste pour les litiges, grâce à des investisseur.e.s qui sont informé.e.s et impliqué.e.s, est un facteur critique de survie.
Et bien souvent, afin de jouer dans la cour des grands, démontrer qu’on est sérieux passe par l’investissement que l’on fait dans des actifs non tangibles, comme la marque de commerce, ou des brevets.
La citation clé d’Antoine Routhier (Ubee)
« If you have to do full time defending yourself in court, how much time can you involve in building your tech. »
L’histoire de Ubee, qui a reçu deux procédures d’injonction provisoires trois jours avant le lancement de sa plateforme et qui s’est retrouvée sept fois devant un juge en trois mois, démontre l’importance d’être bien entouré lorsqu’on bâtit une entreprise qui dérange une industrie donnée.
5. La PI a une valeur aux yeux des investisseurs, quand elle est bien démontrée
Pour un investisseur, la PI est un actif créateur de valeur, un fossé (moat en anglais) qui bloque la concurrence, et un élément de gestion des risques, qui doit être clair et bien documenté.
À noter qu’il est important de vérifier vos droits (licences, contrats) pour une technologie que vous avez développée comme employé ou via une université. Les investisseurs veulent des termes clairs et une stratégie adaptable, pas un dossier poussiéreux.
Lors de la diligence raisonnable, les investisseurs s’assurent que la startup a un accès sécurisé à la PI nécessaire, que les documents sont en ordre et qu’il n’y a pas de risque de contrefaçon.
Cela dit, la PI contribue à la valeur globale, mais la valeur réelle réside dans la force de l’entreprise elle-même, sa capacité à générer des revenus et à trouver son adéquation avec le marché.
6. Les brevets et la deep tech : une course de fond
Dans les technologies émergentes (AR/VR, IA, deep tech), obtenir un brevet peut prendre des années et plusieurs refus.
Les brevets exigent de la persévérance et des choix stratégiques (tout breveter est impossible), mais ils deviennent un atout majeur pour négocier, lever des fonds et se faire racheter. Même si des géants comme Apple minimisent leur valeur dans les négociations, leurs milliers de dépôts annuels prouvent leur importance stratégique.
La citation clé de Bertrand Nepveu (Vrvana / Triptyq Capital)
« A year means everything in the life of a startup. If you’re thinking about getting a patent, know it can be long. »
Bertrand Nepveu a mis sept ans pour décrocher son premier brevet avec Vrvana. Il a appris que les refus initiaux sont courants, nécessitant persévérance et une évaluation stratégique de la nouveauté de l’invention.
7. L’IA et la PI : démystifier les mythes
Impossible de parler d’innovation et d’entreprise innovante sans parler d’intelligence artificielle (IA), l’autre acronyme chouchou ces temps-ci (après la PI, bien entendu). Dans une discussion approfondie sur le sujet, Claire Mazzini et Paul Gagnon ont défait trois mythes au sujet des créations en IA:
- Les systèmes de PI sont basés sur la contribution humaine. Les créations entièrement générées par l’IA ne sont pas protégeables, à moins de démontrer la contribution importante de l’humain dans la processus de création. Dans tous les cas, connaître les conditions générales des outils d’IA importe.
- Les données confidentielles fournies aux fournisseurs d’IA ne sont pas nécessairement utilisées. Cela dépend si l’on utilise un plan gratuit ou payant. Une saine formation des employé.e.s sur l’utilisation des outils d’IA va aider à minimiser les risques de divulgation d’informations confidentielles.
- L’automatisation totale par IA n’existe pas (encore) : les meilleurs systèmes incluent toujours une supervision humaine. Pour mieux bâtir la confiance des clients, les entreprises doivent concevoir des flux de travail avec des boucles de rétroaction humaine.
La discussion sur l’IA et la PI doit être une conversation à l’échelle de l’entreprise, impliquant toutes les fonctions, pas seulement les équipes techniques.
8. La PI ne vit pas seule; elle s’inscrit dans une toile économique globale
Bien décrite par Jean-Nicolas Delage lors du panel sur l’importance de la PI pour les investisseur.e.s, la « matrice PI » est un élément clé à comprendre pour aligner ses brevets et secrets commerciaux avec sa technologie et ses objectifs de marché.
Chaque brevet, dans sa spécificité et son interconnexion, s’inscrit dans le temps, et dans l’espace, pour répondre en détail à un élément clé, ou à une composante spécifique de votre stratégie d’affaires.
Vous pouvez détenir l’élément saillant qui séduira des potentiels acquéreurs (comme le bouton faisant passer les lunettes développées par Vrvana entre réalité virtuelle et réalité augmentée) ou une « muraille » de brevets, comme l’exprimait Frank Baylis.
Tout dépend de ce que vous souhaitez faire, et comment ça bénéficie votre entreprise.
La citation clé de Frank Baylis (Baylis Medical)
« If you don’t have enough IP protection, [someone with more money] will steal your idea and crush you. »
Cette leçon stratégique a été livrée par Frank Baylis, qui revenait sur la vente de son entreprise à Boston Scientific, et les étapes de croissance centrées sur la PI, lors d’une session intime devant une trentaine de personnes lors du OFF-IPFest, à Walter.
9. La PI doit être soutenue par le gouvernement canadien
Le Canada regorge d’inventions majeures (insuline, IA, batterie alcaline), mais les entreprises doivent souvent chercher une validation et de premières ventes à l’étranger avant de vendre chez elles, faute de soutien gouvernemental et de prise de risque dans l’approvisionnement public.
L’exemple du scandale ArriveCAN peut être vu comme un facteur qui rend le gouvernement canadien craintif de prendre des risques. Notamment, en médecine, il est rare que les premières ventes se fassent au Canada en raison de la lenteur des gouvernements qui gèrent les hôpitaux. Le Québec est souvent plus ouvert aux nouvelles ventes de produits médicaux, et Halifax montre des signes d’ouverture. Aux États-Unis, la Californie ou le Texas sont souvent plus enclins à prendre des risques.
Des initiatives comme momentumPI existent pour aider les startups à protéger leurs innovations, mais plusieurs panélistes appellent à un soutien plus audacieux pour retenir l’innovation au pays.
10. Derniers conseils clés pour ceux et celles qui démarrent
- Protégez tôt : n’attendez pas d’être trop avancé pour bâtir votre stratégie de PI
- Pensez globalement : même si l’international n’est pas immédiat, une protection internationale pourrait être nécessaire.
- Ne tombez pas amoureux de votre nom trop vite : assurez-vous qu’il est protégeable avant d’y investir.
- Ne vous fiez pas à une seule opinion : consultez plusieurs professionnels de la PI.
- Ayez une équipe solide d’expert.e.s autour de vous : notamment des avocats spécialisés.
- Concentrez-vous sur la génération de revenus et l’adéquation au marché : c’est le facteur le plus important de succès, et la PI en sera un support essentiel.
Conclusion
En somme, la propriété intellectuelle est un pilier stratégique pour toute entreprise en démarrage.
Investir du temps et des ressources dans une stratégie de PI dès le début, se faire accompagner par des experts et rester résilient face aux défis sont des étapes essentielles pour bâtir une entreprise qui est forte, qui a de la valeur et qui sera durable. Des services comme momentumPI au Québec, et sous le programme ÉleverlaPI partout au Canada, sont là pour soutenir les entreprises canadiennes.